Hiver 1974 : une femme monte à la tribune devant « une Assemblée presque exclusivement composée d’hommes » pour défendre le droit de chacune à disposer librement de son corps. Hiver 2024, comme un écho : une autre femme investit le prétoire, Gisèle Pélicot, et commande à la société des hommes d’ouvrir les yeux pour enfin respecter l’intégrité physique et morale des femmes, à égalité avec la leur.
Cinquante ans séparent ces deux moments, et la même interrogation résonne : quand comprendrons-nous collectivement que le corps des femmes n’appartient à personne, sinon à elles-mêmes ?
Du combat de Simone Veil à aujourd'hui, une sorte de fil invisible relie les millions d’entre nous qui se sont levées pour arracher l’égalité au fil des siècles. Que ce combat se fasse dans la lumière, avec Christine de Pizan, Olympe de Gouges, Louise Michel, Paulette Nardal, Simone de Beauvoir et les 343, ou encore Gisèle Halimi, ou dans l’ombre, par la voix d’innombrables militantes du quotidien qui agissent pour défendre l’accès aux droits et lutter contre les violences qui prospèrent toujours, malgré leur dénonciation croissante dans l’espace public.
Cinquante ans après la consécration du droit à l’avortement, les dramatiques reculs qui se multiplient de par le monde sur les droits des femmes, y compris au sein des démocraties libérales, sont autant de signaux forts du chemin immense qu’il nous reste à parcourir pour que l’égalité devienne une réalité incontestée.
La France ne fait pas exception : si la constitutionnalisation de la liberté des femmes à recourir à l’IVG est bien une victoire du combat féministe, elle témoigne aussi de la nécessité de ne jamais baisser la garde quand il s’agit de protéger nos droits. Elle est un appel à redoubler de vigilance et à poursuivre nos efforts, pour préserver nos conquêtes sociales et investir de nouveaux territoires de lutte pour l’égalité.
C’est pourquoi nous voulons prendre l’engagement de perpétuer l’héritage de Simone Veil et de toutes celles qui nous ont précédées, afin que plus personne ne puisse jamais s’accaparer le corps des femmes comme s’il n’était qu’un objet.
En la matière, s’engager pour la santé des femmes c’est évidemment œuvrer pour l’égalité des droits tant la santé, malgré des progrès réels, continue de porter les stigmates d’une médecine pensée par et pour les hommes, au risque d’ignorer les besoins spécifiques des femmes et les risques auxquelles la domination masculine continue de les exposer.
Ensemble, nous voulons constituer une coalition de vigies des droits des femmes en santé : pour que le droit à l’IVG soit une réalité pour toutes et partout ; pour le renforcement du dépistage des pathologies gynécologiques et des symptômes spécifiques aux maladies cardiovasculaires des femmes ; pour que les femmes bénéficient de l’excellence de la recherche française en santé ; pour que la condition des femmes soit reconnue et pleinement prise en compte dans des univers professionnels où elle demeure trop souvent ignorée. L’égalité n’est pas l’ignorance des différences, au contraire : elle exige aussi un traitement différencié face à des situations objectivement différentes, comme c’est le cas en matière de santé.
Un premier combat nous attend ces prochaines semaines pour que le courage de Gisèle Pélicot ne reste pas sans lendemain : nous serons mobilisées derrière Caroline Darian et Sandrine Josso, figures de proue du collectif #MEndorsPas, pour que le dépistage de la soumission chimique passe du statut d’impensé collectif à celui d’évidence partagée et défendue par les pouvoirs publics. D’autres suivront pour faire avancer la cause des femmes.
Quant à savoir s’il faudra encore attendre cinquante ans pour que nous fassions enfin société dans l’égalité et le respect de chacune et de chacun, femmes et hommes, seule notre détermination constante à en faire l’affaire de tous, et plus uniquement de toutes, permettra de le déterminer.
Peut-être alors, cette République qui porte le visage de Marianne sera-t-elle digne de l’humanisme sur laquelle elle s’est construite, en assumant pour de bon la dimension universelle des droits des femmes.
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