CONDITIONS DE TRAVAIL DES SOIGNANTS, SITUATION DE L’HOPITAL PUBLIC, DIFFICULTES D’ACCES AUX SOINS : LE SYSTEME DE SANTE FRANÇAIS EN DANGER
Les professionnels de santé sont très fortement majoritaires à se déclarer fatigués par rapport à leur travail (83%) et à déplorer leurs conditions de travail (seuls 41% en sont satisfaits). Les plus jeunes, les femmes et les acteurs du secteur public sont particulièrement critiques sur ce point : 2 sur 3 sont insatisfaits de leurs conditions de travail.
Et pourtant ces derniers témoignent d’une forte fierté quant à leur profession (94%) et ils sont unanimement convaincus de l’utilité de leur métier pour la société (98%). Le fait de travailler dans un établissement public est un élément de fierté supplémentaire pour 79% des personnes concernées.
Mais après deux ans de crise sanitaire, les Français font preuve d’une grande inquiétude quant à la situation du système de santé français dont ils savent qu’il a tenu grâce à l’engagement sans limite des soignants. Et les professionnels de santé se montrent encore plus alarmistes : 60% d’entre eux le jugent en détresse et 26% fragilisé, là où les Français sont 30% à l’estimer en détresse et 46% fragilisé. C’est donc respectivement 86% des soignants et 76% des Français qui estiment le système de santé français en danger.
Dans le détail, le manque de moyens, matériels mais surtout humains, est pointé comme le principal marqueur des faiblesses du système de santé aux yeux des Français et plus encore des professionnels de santé (respectivement pour 89% et 74% d’entre eux).
Au-delà, l’ensemble des aspects du système de santé préoccupe les Français et les soignants à des niveaux alarmants (de 70% à 95% de taux de préoccupation en fonction des dimensions), au premier rang desquels la situation de l’hôpital public qui inquiète 95% des soignants et 89% des Français, témoignant d’un sentiment de crise généralisée.
On note par ailleurs qu’au sein des professionnels de santé, les femmes, les professionnels de la fonction publique et des communes rurales sont des catégories davantage préoccupées par ces enjeux de santé, notamment sur la situation de l’hôpital public et la situation en matière d’accès aux soins.
Enfin, Français et soignants partagent une expérience commune et critique de la santé en France, marquée notamment par la difficulté d’accès aux soins : près de la moitié des répondants (48% des professionnels de santé et 41% des Français) a déjà dû renoncer à une consultation médicale en raison de la difficulté à trouver un professionnel de santé là où ils habitent. Un tiers a déjà renoncé à se faire soigner pour des raisons financières (32% des professionnels de santé, et 36% des Français). Et un soignant sur 3 et un Français sur 4 a un proche âgé en situation de dépendance.
FACE A CE CONSTAT DE CRISE, DES ATTENTES FORTES DES FRANÇAIS ET DES SOIGNANTS
A la veille de l’élection présidentielle, Français comme professionnels de santé souhaitent que les sujets de santé occupent une place plus centrale dans les débats. En effet, 70% des Français et 82% des professionnels de santé estiment que cet enjeu n’est pas suffisamment évoqué. Un constat qui ne va pas en s’améliorant, cette enquête ayant été menée avant la guerre en Ukraine, et la prédominance de ce sujet aujourd’hui dans l’actualité.
Pourtant, les professionnels de santé font preuve de défaitisme quant à la capacité du politique à changer les choses : 81% estiment que le/la prochain(e) président(e) ne sera pas en mesure d’agir efficacement, un quart des professionnels de santé jugeant hautement improbable que le/ la futur(e) chef(fe) de l’Etat améliore leur ressenti.
Ce pessimisme se traduit par des niveaux de confiance extrêmement bas à l’égard des candidats, chez les professionnels de santé comme chez les Français. Emmanuel Macron, en haut du podium, convainc à peine un tiers des soignants (32%). Marine le Pen et Valérie Pécresse, en deuxième et troisième position, inspirent confiance à 28% et 26% des professionnels de santé. Les Français placent Marine le Pen en tête, mais ils ne sont guère plus confiants, seuls 38% se sentant convaincus par les capacités de la candidate RN. Emmanuel Macron a la confiance de 35% de la population et Valérie Pécresse de 32%.
En cohérence avec les faiblesses identifiées du système de santé, la nécessité de recruter des professionnels de santé est la mesure jugée la plus urgente par les professionnels de santé comme par la population française. Près de trois soignants sur quatre (72%) jugent que cette mesure joue un rôle décisif dans leur vote, et plus de la moitié des Français partage cet avis (61%). Au global, toutes les mesures proposées sont jugées importantes voire déterminantes par une large majorité des personnes interrogées, professionnels de santé comme Français : tous attendent des candidats des mesures fortes à destination du système de santé.
Les femmes et les professionnels de la fonction publique hospitalière, plus touchés par les difficultés, attendent particulièrement des candidats la prise en compte de leur situation. Les femmes sont notamment plus sensibles aux questions de recrutement (déterminant pour 75% d’entre elles, contre 66% de leurs collègues masculins, soit +9pts), de revalorisation des salaires (70% contre 60%), ou d’accompagnement de nos aînés (50% contre 42%).
Cette crise appelle également des modes de gestion différents et plus de concertation : 59% des Français souhaitent que le nouveau gouvernement réunisse les acteurs de santé dans le cadre d’Etat généraux, pour répondre à la problématique de l’accès au soin et des déserts médicaux. Ils sont 44% à juger prioritaire l’ouverture d’un débat national sur l’avenir du système de protection sociale.
Enfin, signe de l’importance de l’enjeu pour les Français, un tiers d’entre eux se disent prêts à contribuer plus fortement à l’avenir du système de santé via les impôts et cotisations sociales. En contrepartie, professionnels de santé et grand public s’entendent sur la nécessité que le financement public soit conditionné à des mesures de régulation fortes : 84% des Français et 79% des professionnels de santé y sont favorables.
Ces mesures de régulation portent en priorité sur l’accès aux soins (45% des soignants et 56% des Français estiment qu’il faut installer des médecins libéraux dans des déserts médicaux) mais aussi sur la rémunération (un quart des professionnels de santé et 18% des Français souhaitent en premier lieu encadrer les écarts de salaire entre le public et le privé).
Méthodologie : Etude réalisée par l'Ifop pour la Fédération Hospitalière de France auprès d’un échantillon grand public de 1001 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et d’un échantillon de professionnels de santé de 601 personnes, représentatif de la population française des professionnels de santé. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 28 février 2022. La représentativité des échantillons a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération pour le grand public et sur des critères de sexe, âge et secteur d’activité de la personne interrogée pour les professionnels de santé.