Une situation structurellement tendue en matière de ressources humaines qui appelle à des actions fortes, globales et rapides
Les ressources humaines sont depuis de nombreuses années une préoccupation prioritaire de la FHF. De fait, même si les effectifs des établissements ont augmenté de 3 % entre 2019 et mai 2022, des difficultés structurelles persistent :
- 99 % des établissements déclarent des difficultés de recrutement (avec des situations variables d’un territoire et d’une spécialité à l’autre)
- Les vacances de postes restent importantes à l’hôpital public
- Environ 15 000 postes d’infirmiers (soit un manque de 5 à 6 %)
- Environ 5000 postes d’aides-soignants (2,5 %)
- Et près de 30 % de postes de praticiens hospitaliers titulaires vacants (CNG)
- Et le taux d’absentéisme moyen continue de progresser (de 7,5 % en 2012, 9 % en 2019, à 10 % en 2022, avec un pic à 12 % pendant l’été)
Au-delà des besoins de recrutements, le comité éthique de la FHF a lancé une enquête inédite auprès de 7 000 professionnels de l’hôpital public pour mesurer précisément leurs attentes et vécus sur chaque sujet. Les répondants de l’enquête sont des infirmiers, des aides-soignants, des médecins, bien sûr, mais également des directeurs, des présidents de CME, des chefs de pôle ou de service, des cadres de santé, des agents administratifs, des psychologues, etc.
Parmi les résultats importants, cette enquête révèle qu’une très large majorité des professionnels interrogés sont fiers de leur métier (80%), et conscients de leur utilité (91%). En revanche, une grande majorité considère que leur travail génère du stress (89 %), notamment du fait du manque de moyens humains et matériels et de la sur-sollicitation dont ils sont l’objet. La cohésion d’équipe et la qualité du mangement sont majeurs dans les critères de qualité de vie au travail exprimés. Près des trois-quarts des répondants ont « l’impression d’une transformation majeure de l’exercice de leur métier », laquelle appelle à des mesures structurantes pour redonner au service public de santé son attractivité.
Il ressort de notre enquête auprès de 7000 professionnels de l’hôpital public que la situation sur le plan des ressources humaines est difficile mais aussi porteuse d’espoir. Plus de 4 professionnels sur 5 sont fiers de leur métier, métiers qui ont et auront toujours du sens. L’autre conclusion de cette enquête est que nous sommes à un moment de transformation des métiers, 75% des professionnels estimant que leur exercice a changé.
Nous devons donc tout repenser : modalités de formation, nombre de recrutements, respect de la vie personnelle, partage de la pénibilité. C’est la raison pour laquelle la FHF a entrepris de construire un plan de bataille volontariste pour les ressources humaines.
La priorité doit être de renforcer les effectifs, en formant plus de professionnels, mais aussi de rééquilibrer notre système de santé pour que l’hôpital ne porte pas seul la charge des mutations en cours. Nous attendons désormais des pouvoirs publics que ces propositions soient sérieusement discutées et qu’un plan d’action concret soit mis en œuvre par les pouvoirs publics.
Arnaud Robinet, Président de la FHF
Pour la FHF, l’urgence est à un plan de bataille pour les ressources humaines qui permette d’engager des recrutements dans la durée et d’améliorer les conditions de travail.
Pour nourrir le débat public et faire bouger les lignes, la FHF a présenté ce jour un plan de bataille pour les ressources humaines qu’elle remettra aux ministres concernés.
Premier objectif : Augmenter le nombre de professionnels formés
D’abord, en vue de mettre en adéquation l’appareil de formation et les besoins de santé, la FHF préconise un élargissement volontariste des quotas de formation des IDE et des AS, ainsi qu’un approfondissement du numérus apertus en médecine. En particulier, elle recommande :
- Que d’ici 2025, le nombre de places ouvertes en 1ère année de formation soient portées à 40 000 pour les infirmiers, 32 500 pour les aides-soignants et 12 000 pour les médecins ;
- Que soient créés 1000 postes hospitalo-universitaires ainsi qu’un statut d’enseignant-associé pour les PH afin d’accroître les moyens des facultés et instituts de formation.
En second lieu, la FHF demande la facilitation de l’accès à la formation continue et l’assouplissement des voies de passage entre les carrières médicales. Cela suppose de développer l’accès à la VAE et le recours à l’apprentissage, mais aussi d’ouvrir la possibilité d’une seconde carrière médicale avec des passerelles adaptées, notamment en direction des disciplines prioritaires en matière de santé publique (médecine du travail, gériatrie, médecine polyvalente, etc.).
Afin d’être efficace, une telle stratégie devra faire l’objet d’une planification pluriannuelle concertée à l’échelle territoriale, associant ARS, Régions et fédérations d’employeurs.
Deuxième objectif : Améliorer la coordination et le travail en équipe des professionnels de santé
En l’état, le nombre de professionnels formés se révèle insuffisant face au besoin d’une coopération accrue entre professionnels. Pour accompagner cette nécessaire évolution, la FHF a identifié deux leviers.
- D’abord, l’évaluation des formations initiales et leur évolution, qui doit permettre : de mieux valoriser la coopération entre professionnels dès leurs études ; d’associer davantage, sous l’égide des CHU, les établissements publics non universitaires ; de valoriser les compétences transversales pour prendre en charge des patients de plus en plus polypathologiques (du fait du vieillissement de la population) ; et de revoir la nomenclature des actes pour inciter au choix de spécialités conformes aux priorités de santé publique ;
- Il faut ensuite accompagner l’évolution des métiers du soins, notamment en développant les équipes pluriprofessionnelles, les protocoles de coopération et les pratiques avancées, et en assurant une meilleure reconnaissance statutaire de la formation continue.
Dans ce cadre, une campagne de communication massive à propos des professions de santé semble nécessaire pour nourrir la dynamique d’attractivité du service public de la santé, notamment en faisant mieux connaître les rémunérations, qui sont souvent l’objet d’idées reçues aujourd’hui.
Troisième objectif : amplifier les politiques d’attractivité et de fidélisation au sein des hôpitaux publics
Enfin, la FHF appelle à améliorer les conditions de travail des professionnels et mieux valoriser leur engagement exceptionnel.
La priorité doit être de tendre vers un meilleur partage des contraintes entre tous les acteurs de la santé et une revalorisation pérenne des rémunérations du travail de nuit et de week-end. Pour ce faire, il est impératif :
- d’instaurer un schéma de PDS commun entre établissements publics et privés et avec le secteur ambulatoire pour concrétiser la notion de « responsabilité collective » en cours d’inscription dans la loi ;
- de revaloriser de manière pérenne les indemnités hospitalières de permanence des soins (maintien du tarif majoré de 50% des sujétions), les indemnités de travail de nuit et de rénover le dispositif des astreintes pour aller vers davantage de forfaitisation ;
- de donner aux établissements les mêmes possibilités d’ajuster les modalités de rémunération du temps de travail supplémentaire des médecins que celles qui existent pour les professions paramédicales en tension ;
- de lutter contre les dérives de l’intérim en fixant des critères d’accès à ces missions ;
- et de favoriser l’exercice mixte public/libéral par l’extension à l’ensemble des professions paramédicales de l’exercice à temps non complet.
Il convient ensuite de mieux valoriser l’engagement des agents via une refonte du régime indemnitaire autour des critères de la technicité du poste, du management, des contraintes d’exercice et de l’investissement individuel, et un maintien dans la durée des crédits pour financer les primes d’engagement collectif et d’inscrire dans le temps cette dynamique de projets.
La question de la pénibilité doit également être prise à bras le corps au moyen d’un meilleur financement de la prévention. Cela implique en particulier de renforcer la filière de santé au travail, de redimensionner à la hausse le fonds de prévention de l’usure professionnelle proposé dans le cadre de la réforme des retraites et d’accélérer le calendrier de financement de la protection sociale complémentaire pour protéger les hospitaliers publics avant l’échéance de 2026
La conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle est un enjeu majeur dans un secteur soumis à des sujétions exorbitantes. Il convient donc d’aider financièrement les établissements pour créer davantage de solutions de gardes d’enfants dans les murs de l’hôpital, mais aussi de travailler avec les collectivités pour faciliter l’accès au logement des agents publics hospitaliers.
Il faut enfin redonner de la souplesse aux établissements en confortant le binôme directeur/PCME comme tandem de pilotage et en améliorant la formation au management des chefs de service et des cadres de proximité.
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