Diminuer les émissions de gaz carbonique, principal gaz à effet de serre anthropique, constitue l’un des défis majeurs du XXIe siècle. En complément des économies d’énergie, du développement des énergies non carbonées et du stockage géologique du CO2, il est envisageable de valoriser le CO2 comme matière première ce qui évite de l’émettre dans l’atmosphère comme polluant.
L’enjeu principal consiste à faire de cette molécule une opportunité économique à travers de nouvelles applications, tout en s’assurant de son impact positif sur l’environnement. L’utilisation du CO2 comme matière première et comme source de carbone pourrait ainsi contribuer, via le développement d’une carbochimie, au basculement de notre société vers un modèle moins dépendant des énergies fossiles. La valorisation du CO2 permettrait alors d’apporter des solutions de substitution aux produits issus de la pétrochimie, ouvrant ainsi l’opportunité de développer une chimie « verte » à partir de CO2.
La valorisation du CO2 fait partie des thèmes de réflexion du ministère du Développement durable dans le cadre des travaux sur le développement industriel des filières stratégiques de l’économie verte.
Si aujourd’hui une faible quantité (0,5 %) des émissions de CO2 issues des activités humaines est valorisée au niveau mondial, certains experts estiment que cette valorisation pourrait à terme absorber annuellement jusqu’à 5 à 10 % des émissions mondiales, qui représentent environ 30 milliards de tonnes par an, pour la production de combustibles et de produits chimiques. Le rapport commandé par l’Ademe et le ministère du Développement durable a pour ambition de dresser un panorama des voies de valorisation du CO2 et d’étudier les atouts et les opportunités de la France dans ce domaine.
Tour d’horizon des voies de valorisation du CO2
Des niveaux de maturité variables mais un enjeu économique commun
L’étude a identifié douze voies de valorisation divisées en trois groupes liés à la manière d’utiliser le CO2 :
- Sans transformation : le CO2 est utilisé pour ses propriétés physiques comme solvant ou réfrigérant par exemple.
- Par réaction chimique avec un autre composant fortement réactif : le CO2 peut mener à la synthèse d’un produit chimique de base ou d’un produit à valeur énergétique.
- Par l’intermédiaire de la photosynthèse au sein d’organismes biologiques, tels que les micro-algues : le CO2 peut alors être utilisé pour synthétiser des produits (glucides, lipides et composés cellulosiques).
Verrous identifiés et premiers leviers
Après une première analyse, force est de constater que ces différentes voies présentent des niveaux de maturité hétérogènes tant au niveau technologique qu’économique. Certaines voies, comme la photoélectrocatalyse, sont encore à un stade de recherche très amont alors que d’autres, comme la récupération assistée des hydrocarbures, sont déjà déployées à l’échelle industrielle. Le rapport montre toutefois que la plupart de ces voies sont faces à un verrou technologique majeur qui repose sur le besoin en énergie nécessaire à l’activation de la molécule de CO2. L’utilisation d’énergie non émettrice de gaz à effet de serre et à bas coût est donc un élément déterminant pour s’assurer de la rentabili-té et de la garantie de la valeur environnementale de la valorisation du CO2.
D’autres verrous technologiques ont également été identifiés, comme l’utilisation de CO2 « non pur » ou encore la validité de la conformité des produits synthétisés. Des actions de recherche ou de démonstration, ainsi que la mise en place de partenariats entre universités et industriels seront nécessaires pour lever ces verrous.
Par ailleurs, peu de bilans environnementaux et de Bilans carbone® ont été réalisés pour ces différentes voies de valorisation. Une harmonisation et un approfondissement de ces bilans devraient être à considérer avant tout déploiement de ces technologies, afin d’établir leur bénéfice environnemental.
Des perspectives encourageantes pour le développement des voies de valorisation du CO2 en France
La France dispose d’atouts majeurs aussi bien en termes de compétences qu’en termes de ressources naturelles territoriales. La valorisation du CO2 se positionne donc comme une filière complémentaire du captage et stockage de CO2 et représente plusieurs opportunités de développement.
Des atouts territoriaux, industriels et académiques
Selon les voies et ses attraits territoriaux, la France peut envisager le développement de filières nationales ou l’export de son savoir-faire. Les particularités du territoire français permettent le développement d’une grande partie des voies de valorisation caractérisées dans l’étude (2). Les émissions de CO2 concentrées étant plus localement émises sur les bassins industriels, il est intéressant de faire coïncider une zone émettrice et une zone naturellement disposée à la valorisation du CO2.Enfin, la France dispose de groupes d’industriels de dimension internationale et de laboratoires de recherche compétents dans le domaine. Alors que les prémices d’une économie du CO2 sont observées en Europe et dans le monde, la valorisation du CO2, conjointement à l’implication de la France dans le développement des technologies de captage et de stockage de celui-ci, pourrait constituer une opportunité de construire en France une filière plus large dédiée au CO2 et un tissu industriel pluridisciplinaire.
Cette étude apportera des informations et des pistes de réflexion importantes dans le cadre de la démarche sur le développement industriel des « filières vertes » lancée par le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer.
(1) Étude réalisée par Alcimed, société de conseil et d’aide à la décision spécialisée dans le domaine des sciences de la vie et de la chimie, de décembre 2009 à juin 2010. Cette étude a également été suivie par un comité de pilotage composé d’industriels, d’institutionnels, d’instituts techniques et de centres de recherche.
(2) Ainsi, l’ensoleillement sur le territoire favorise les technologies utilisant du soleil telles que la photoélectrocatalyse, la thermochimie ou les microalgues. L’accès à l’eau de mer ou à l’eau douce en quantité suffisante est également un atout naturel important pour des voies comme l’électrolyse ou la culture des algues. Enfin, la minéralisation est particulièrement adaptée dans les Dom-Tom qui disposent de ressources en matières premières en grande quantité et à bas coût (roches balsamiques par exemple).
(Source : Ademe)