S’il n’y a pour l’heure pas de pathologies pulmonaires humaines clairement et scientifiquement identifiée comme conséquence de l’exposition à des nanoparticules « manufacturées » (c’est à dire d’origine industrielle), cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’en existe pas ou qu’il n’en surviendra pas tôt ou tard. Car on le sait parfaitement, la science ne trouve que ce qu’elle veut bien chercher ; et dans ce domaine encore vierge de données solides, où foisonnent notamment les nouveautés industrielles, les médecins du travail, pneumologues, toxicologues, chercheurs se doivent de rester sur leur garde car tout reste àfaire…
Les nanoparticules peuvent être d’origine naturelle (émissions volcaniques, incendies de forêt,…) ou d’origine humaine non intentionnelle (émission de particules du carburant diesel, fumées de soudure). On parle alors dans ce cas plus généralement de particules ultra fines. Enfin, elles peuvent être spécifiquement produites par un industriel sous forme denanoparticules ou de nanomatériaux.
La particularité des nanomatériaux est d’avoir des dimensions nanométriques c’est à dire en dessous d’un dixième de micromètre (un micromètre égale un millième de millimètre). C’est en partie en regard de ce dernier aspect que la science se doit d’être vigilante sur unpotentiel impact sanitaire.
Un potentiel toxique plus important ?
Les raisons théoriques en sont simples. Les industriels fabriquent ces nanomatériaux, pour augmenter leur réactivité, notamment pour avoir des activités de surface exploitées au maximum. Le but est d’obtenir une très grande surface par rapport à une masse donnée. Par définition, ces particules sont donc plus réactives et cela conduit à l’hypothèse que ces phénomènes de surface sont également à l’origine d’une interaction avec l’organismehumain également beaucoup plus prononcée.
Ces très fines particules peuvent échapper aux barrières naturelles du corps qui empêchent en principe la pénétration cellulaire. C’est également parce que certaines nanoparticules d’origine environnementale sont notoirement nocives, que l’on s’attend à ce que celles produites par l’industrie le soient également. Il n’y a pas de raison de considérer les unes plus toxiques que les autres, même si leur potentiel toxique dépend en fin de compte de leurcomposition chimique.
Dans la pratique, d’autres raisons conduisent à s’inquiéter des effets nocifs potentiels des nanomatériaux. Des données expérimentales sur des cellules isolées ou en culture, ou même chez l ‘animal indiquent que l’administration de ces particules peut avoir des effets délétères sur le poumon et sur d’autres organes. Chez l’homme, il y a de fortes suspicions au sujet de l’exposition et des conséquences des nanoparticules sur l’appareil respiratoire. En témoignent certaines études épidémiologiques où la pollution atmosphérique est corrélée à une augmentation de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaire et respiratoire dans les pathologies comme la BPCO ou l’asthme. Quelques études en cours montrent en effet la rétention de particules chez les sujets présentant une BPCO. Également mise en exergue, la participation des fumées de soudage dans l’apparition de pathologies pulmonaires,notamment de fibroses péri-bronchiques et péri-vasculaires.
Particules diesel. Un cancérogène avéré
Le centre international de recherche sur le cancer a classé comme cancérogène les particules de fumées diesel en mars dernier. Depuis plusieurs années, des études épidémiologiques allaient dans ce sens et de fait, ces aérosols sont composés de nanoparticules. A ces données, sont venues s’ajouter les preuves de recherches in vitro sur des lignées cellulaires d’origine pulmonaires exposées à des extraits de ces fumées. Asthme Allergies, un effet adjuvant ? Toujours dans le cadre des fumées diesel, certaines études vont dans le sens d’une augmentation du nombre de cas d’asthme. Le rationnel : une modification des pollens et plus largement l’effet adjuvant de cette pollution atmosphérique. Des études expérimentales, y compris chez l’homme, indiquent également que l’exposition aux particules diesel après combustion favorise l’allergie. Cela a été démontré en Californie chez des personnes sensibilisées par voie nasale, au préalable exposées à ces particules. Ceux qui étaient exposés à l’allergène en même temps ou juste après le diesel avaient une plus grandepossibilité de devenir allergiques.
Autre hypothèse, il se pourrait que certaines nanoparticules manufacturées aient un effet potentiel immuno-toxique. La conséquence possible: la diminution de nos défenses immunitaires. Là encore, le champ d’investigation est conséquent puisque les variables concernées tiennent compte de la nature même des nanoparticules, de leur quantité, de leurmode d’administration…Tous les scénarios restant envisageables.
Tout reste donc à faire dans ce domaine en pleine évolution, où l’industrie est plus prompte à produire de nouveau matériaux que la science à en évaluer la sécurité, (même si l’industrie faisant appel aux nanotechnologies a tiré certaines leçons des catastrophes de l’amiante …). Sans doute est-ce là le revers sanitaire de la médaille du progrès. Car au final, si beaucoup d’études sont en cours, elles concernant des nanoparticules de composition très différentes (titane, zinc, or, cobalt, carbone) parfois mélangées, de formes différentes, conduisant inévitablement à une hétérogénéité et une multiplicité d’effets potentiels attendus sur notre santé. Pour l’heure, une des stratégie de recherche mise en oeuvre vise à mettre au point des modèles de prédiction in vitro et sur l’animal qui permettent d’évaluer la toxicité de ces particules de manière fiable, les méthodes classiques pour l’évaluation des substances chimiques habituelles n’étant plus suffisantes dans ce cadre de recherche en perpétuelmouvement.
Texte réalisé avec le Pr Benoît Nemery – Unité de Toxicologie – Université de Leuven (Belgique)Contacts presse : [email protected]